EXCLU AS Monaco : J-M Badiane, « Leonardo Jardim en a beaucoup pris dans la gueule »

Commentateur de la Premier League sur SFR Sport, Jean-Michel Badiane a accepté de répondre aux questions de Foot-sur7. Leonardo Jardim, le match retour entre l’AS Monaco et Manchester City ou encore Unai Emery ont été évoqués lors de cet entretien exclusif.

 

Pep Guardiola a fait part de ses difficultés à s’adapter au jeu anglais en début de saison. Qu’est-ce qu’il a changé entre les matchs de Premier League et ce match de Ligue des Champions face à l’AS Monaco ?

Guardiola a déjà dû évoluer en Premier League, notamment dans l’importance du deuxième ballon. Je pense que le City qu’on a vu mardi se rapproche plus de ce qu’est Pep Guardiola. Alors tout n’a pas marché puisqu’ils prennent trois buts, ce qui est beaucoup pour un match de Ligue des Champions, mais c’est une configuration qui lui demandait moins de s’adapter. City est une équipe qui aime attaquer. Guardiola aime avoir la maîtrise des espaces, quitte à se découvrir. Alors on va parler de la défense… mais quand on attaque autant, les défenseurs sont livrés à eux-mêmes. Il y a eu des un contre un tout le match. Le défenseur peut gagner neuf duels sur dix, s’il perd le dixième on va dire qu’il n’a pas été assez bon alors que ce n’est pas aussi simple que cela. On l’a vu avec John Stones et Radamel Falcao. Mais sur l’analyse globale, Guardiola m’a moins donné l’impression d’avoir à s’adapter que ce qu’il fait en Premier League depuis quelques mois.

 

Est-ce qu’on peut davantage parler de ce match comme une rencontre de Premier League que de Ligue des Champions, au regard des nombreux déséquilibres ou dans le sens où les deux équipes ont surtout cherché à marquer plus qu’à préserver le score ?

C’est aussi dû au fait que les entraîneurs de ces équipes, Leonardo Jardim et Pep Guardiola, ont cette philosophie de jeu cette année. C’est moins flagrant pour Monaco, parce qu’ils dominent 90 % de leurs matchs en Ligue 1, mais c’est une équipe qui attaque beaucoup. Quand on voit parfois Djibril Sibidé centrer et Benjamin Mendy reprendre de l’autre côté, vous avez déjà cette notion de déséquilibre. Ce qui est intéressant dans le football d’aujourd’hui, c’est ce déséquilibre offensif totalement assumé par les entraîneurs. La condition est bien entendu d’avoir les joueurs pour. On veut marquer plus de buts que l’adversaire. A la place de City, on peut ne pas être content de prendre trois buts mais on peut être satisfait d’en avoir marqué cinq. On voit d’ailleurs que c’est cette intensité de la Premier League qui a fait la différence sur la dernière demi-heure.

 

« Voir le verre à moitié plein pour l’AS Monaco »

 

Justement, à propos de cette intensité physique. Est-ce seulement cette notion qui a compté en fin de match ou faut-il également ajouter la gestion et le manque d’expérience de l’AS Monaco à ce niveau, puisque cette équipe assez jeune n’a plus rien à voir avec celle que Leonardo Jardim avait en 2015 ?

C’est sûr qu’il y a un vécu moins important du côté de Monaco par rapport à Manchester City. Surtout quand on voit le scenario du match, où Monaco a quand même mené deux fois au score. Cela peut paraître facile de le dire maintenant, mais il y a quand même des joueurs importants devant qui peuvent marquer contre n’importe quelle équipe d’Europe. City a des joueurs qui ont compté dans ce match comme Kevin de Bruyne, comme Yaya Touré. Quand on voit que la défense est aux aboies sur le troisième but de Falcao, beaucoup de joueurs auraient pu lâcher dans la dernière demi-heure en se disant : « C’est un jour sans, c’est comme ça ». Eux n’ont jamais paniqué. C’est là que rentre en ligne de compte l’expérience. Mais dans la dernière demi-heure, on ne peut pas passer outre cette dimension physique. Les Anglais ont un championnat qui fait qu’on doit se surpasser tous les week-end. Alors ils risquent de le payer dans les matchs européens du mois d’avril ou au mois de mai, mais pour l’instant ils gardent cette forme de fraîcheur physique sur les fins de matchs. On a vu que Monaco a eu du mal à conclure ce match.

 

Est-ce qu’il faut considérer cette défaite comme un tournant dans la saison de l’AS Monaco au regard du scenario, notamment pour le titre en Ligue 1 ?

L’avenir nous le dira ! Mais ce n’est pas l’impression que ce match m’a donné mardi. Je ne pense pas qu’ils seront dans le dur. Il y a des matchs européens où l’adversaire vous a marché dessus, pendant lesquels vous n’avez pas existé… Mais je préfère voir le verre à moitié plein vu le contenu qu’ils nous ont proposé pendant soixante-dix minutes devant une équipe qui, certes, n’est pas encore un grand d’Europe. Je vois plus de motifs d’espérer car cette équipe m’a fait une bonne impression.

 

« Leonardo Jardim connaît très bien son groupe »

 

On voit pourtant que ces dernières saisons, lorsque le PSG était malmené après un match aller en coupe d’Europe, on les a souvent vu galérer en Ligue 1 jusqu’au match retour. L’AS Monaco peut-elle surmonter ces difficultés pendant les trois prochaines semaines ?

A mon sens, oui. Ils ont certes un groupe jeune mais si les jeunes ont bien une qualité mentale, c’est cette insouciance qui leur permet d’enchaîner très vite. Et puis Leonardo Jardim connaît très bien son groupe. Par exemple, il n’y a pas de joueur qui est totalement passé à côté de son match et qu’il faut rattraper psychologiquement. Le résultat peut avoir son importance à terme. Dans le contenu, ils ont répondu présent. Après ils peuvent très bien s’écrouler… Mais je n’ai vraiment pas envie de m’inquiéter pour cette équipe. Au contraire, j’ai envie de penser qu’elle peut encore faire de belles choses sur cette fin de saison.

 

Concernant le match retour, comment rester optimiste en sachant que Monaco devra remonter deux buts face à une équipe qui sera à son avantage dans un jeu de transition… Le tout sans Kamil Glik, son meilleur atout défensif (qui sera suspendu, Ndlr) ? Cela paraît assez compliqué sur le papier.

Cela paraît assez compliqué parce qu’il y a en face une grande équipe, qui a dans son effectif des joueurs capables de marquer sur n’importe quelle pelouse d’Europe. Il y a aussi cette part d’irrationalité dans ces grands matchs, pas seulement en Ligue des Champions. Andrea Raggi fera le job. Il a les qualités qu’il a, certes, mais il fait le job. Donc il est capable de sortir un grand match, comme l’ensemble de ses coéquipiers. On peut aussi imaginer un retour de Jemerson. Monaco est un peu dans la même situation que le Barça, à savoir qu’ils doivent marquer. On sait qu’il sont capables de marquer des buts… mais il faut aussi ne pas en prendre ! C’est là toute la difficulté. C’est jouable. Je serais Monégasque aujourd’hui, je me dirais : « ça va être compliqué mais on a prouvé qu’on pouvait être au rendez-vous des ¼ de finale ». Je ne lâcherais pas la coupe d’Europe pour me concentrer sur le championnat.

 

« Unai Emery va faire progresser le PSG »

 

Pour en revenir aux stratégies de coachs, on a vu que Leonardo Jardim avait toujours fait les bons choix depuis le début de la saison. Sur ce match-là, il a semblé un peu dépassé. Est-ce qu’il est capable de rectifier le tir au retour ?

Je l’ai plutôt trouvé cohérent sur ce match. Quand vous avez Pep Guardiola en face, avec une telle intensité dans la dernière demi-heure, que vous devez réadapter des changements que vous avez peut-être déjà fait, que vous devez voir avec vos joueurs pour savoir s’ils peuvent continuer dans ces conditions jusqu’au bout… Vous devez aller très vite. J’ai confiance en Leonardo Jardim. Il a beaucoup pris dans la gueule. A mon sens un peu trop d’ailleurs. On l’a taxé d’entraîneur défensif et compagnie. Il y a eu ce bashing qu’on réserve aux entraîneurs étrangers pour surprotéger nos entraîneurs… Moi en tout cas, je le trouve très cohérent. Est-ce qu’il réussira à inverser la tendance au retour ? On verra. Ce ne sera pas facile parce qu’il n’affronte pas l’équipe du coin non plus, mais il a toutes les données en lui pour réaliser ce grand match selon moi.

 

Vous parliez justement de bashing sur les entraîneurs étrangers en évoquant Leonardo Jardim. Comment percevez-vous ce retournement de veste envers Unai Emery ?

C’est assez exceptionnel. C’est le monde du football qui est ainsi fait. C’est d’ailleurs le cas dans n’importe quel corps de métier qui est sujet à la popularité ou à la notoriété. Ce qui est amusant, c’est que tous ceux qui le critiquaient se prennent la tête parce qu’ils se sont aperçus que Unai Emery n’était pas aussi mauvais qu’ils le pensaient. Mais tous ceux qui le défendaient comme des fous n’avaient pas non plus raison parce que Unai n’avait pas encore prouvé toute cette légitimité. Je pense que c’est un entraîneur qui va faire progresser le PSG à terme sur différents points. Pour en avoir parler avec plusieurs personnes qui le connaissent, outre le passionné de football qu’il est, c’est quelqu’un qui a un sens du détail assez poussé, qui peut apporter des clés ou des outils à n’importe quel joueur pour le faire progresser. A terme, je suis persuadé qu’il fera progresser le club. Maintenant, la mesure des gens dans le football, c’est assez compliqué. Surtout à notre époque. N’importe quelle personne qui parle football veut faire le buzz… Pourtant la mesure, c’est bien aussi ! On peut très bien écouter ce qui se dit, se faire un avis et le dire sans tomber dans l’extrême. Bien évidemment que ça me fait rire aujourd’hui de voir que certains qui réclamaient la tête de Unai Emery en janvier en font aujourd’hui l’égal des plus grands entraîneurs qui ont déjà gagné la Ligue des Champions. En seulement quatre-vingt dix minutes, il a changé de statut… C’est assez drôle !