A seulement 22 ans, Jesus Mafouta a déjà vécu le rêve américain. Alors qu'il n'était qu'un modeste joueur de niveau régional en France, ce jeune homme s'est vu offrir l'opportunité de disputer une saison au États-Unis. Aujourd'hui libre de tout contrat, il pourrait poursuivre son ascension en Europe. Rencontre.
Foot sur 7 - Comment avez-vous été détecté par une université américaine ?
Jesus Mafouta - J'ai été détecté par Marshall, qui est l'une des plus prestigieuses universités américaines, lors d'un week-end de recrutement à Clairefontaine en décembre 2011. A l'époque, je jouais à Saint-Ouen-l'Aumône et un recruteur m'a repéré, puis m'a contacté pour y participer. Plus de 100 joueurs ont évolué devant les 13 meilleurs coachs des meilleurs universités américaines. A la suite de ce week-end, j'ai reçu 6 propositions de contrats. Finalement, j'ai choisi Marshall. Au niveau financier, scolaire et sportif, c’était le choix le plus judicieux et le plus cohérent pour ma carrière footballistique, ainsi que pour ma carrière dans le milieu du commerce international et de la finance.
Comment avez-vous concilié football et études ?
C'est simple : aux USA, lorsque tu joues en première division NCAA, tout est fait pour être performant sur tous les tableaux (football, études et vie privée)... Nous avions un entraînement tous les matins, 2 à 4h par jour (séance de musculation mardi et jeudi), puis 2 à 3h maximum de cours l'après midi. Puis, le reste du temps, nous étions libres, même si nous avions toujours quelques chose à faire car nous voyageons beaucoup pour nos matches à l’extérieur. Entre les heures d'avions ou de car, les hôtels, les révisions, les mises au vert, les séances de dédicaces... Nous n'avions pas beaucoup de temps pour nous.
Le soccer manque-t-il vraiment de popularité aux États-Unis ?
Le soccer est très loin de manquer de popularité aux USA. Il faut savoir que les États-Unis sont le pays qui compte le plus de licenciés au monde, même s'il faut relativiser étant donné l'immense population du pays. C'est un pays qui vit sport et qui vit football aussi, malgré la différence de popularité avec les sports locaux comme le basket, foot US ou base-ball. C'est surtout au niveau féminin que le soccer est populaire. Mais j'ai été surpris par l'engouement que les joueurs de foot ont là-bas. Nous étions traités comme des stars, nous signions des autographes dans la rue, les aéroports, centre commerciaux... Je me souviens qu'une fois, j'étais en train de faire les courses avec un de mes coéquipiers. Pendant 5 minutes, les gens à la caisse nous demandaient de prendre des photos et de signer des autographes. Ça m'avait agréablement surpris car, même en France, dans des clubs de Ligue 1, ça n'arrive pas.
Où en êtes vous contractuellement avec Marshall ?
Mon contrat est terminé aujourd'hui, donc je suis libre de tout contrat. Cela me permet de signer avec n'importe quel club actuellement.
« Mon aventure sort de l'ordinaire du milieu du foot »
Avez-vous été approché par des clubs français lors du mercato ?
J'ai été approché directement par des clubs de National et de CFA, comme l'AS Cherbourg, il y a quelques jours. Maintenant, indirectement aussi, car j'ai plusieurs agents qui m'ont mis en relation avec des clubs de Ligue 2, notamment le FC Metz, où j'ai failli effectuer une période d'essai. Un contrat professionnel m'attendait chez eux, mais ça ne s'est pas fait pour des détails liés à l'agent qui était en relation avec les dirigeants du club. Après, à l'étranger, j'ai également des touches, principalement en Europe (D1 belge, D2 turque, Championship et League One Anglais et en Espagne). Je commence ma saison avec l'US Chantilly pour garder le rythme de la compétition et pour être prêt pour un éventuel départ dans un club profes-sionnel. J'ai des scouts (recruteurs) qui viennent m'observer. Si les choses se passent bien, ça ira très vite. Ce n'est qu'une question de temps et de patience.
La médiatisation de votre aventure outre-Atlantique a-t-elle contribuée à toutes ces sollicitations ?
La médiatisation de mon aventure, qui est un peu ordinaire dans le milieu du foot, y est pour beaucoup. J'ai des demandes d'interviews très souvent, des reportages télévisés qui sont prévus, ainsi que des rendez-vous avec des membres du gouvernement français pour des projets éducatifs. Je n'oublie pas d'où je viens et ce que je dois à ce pays, la France, qui m'a tout apporté.
Vous avez été annoncé au FC Bruges au mois de juin dernier. Pourquoi le transfert ne s'est finalement pas réalisé ?
Exact, j'ai été annoncé au FC Bruges ainsi que dans plusieurs autres clubs belges. Au cours de ma saison à Marshall, lors de laquelle j'ai été performant, plusieurs émissaires de clubs européens et américains m'ont supervisé. Avec certains clubs, des contacts ont été avancés. Pour Bruges, le problème est qu'ils ne s’intéressaient qu'à des joueurs qui étaient déjà confirmés au plus haut niveau. Et, pour ma part, il s'agissait de ma première saison dans une équipe de haut niveau, donc je n’étais pas encore reconnu. A partir de là, les choses n’étaient pas gagnées d'avance. Mais mon début de saison sera décisif et déterminant dans l'évolution des négociations avec certains clubs, dont le FC Bruges.
Souhaitez-vous découvrir la Major League Soccer (MLS) ?
Oui, je souhaiterais découvrir ce championnat, qui est très intéressant, car il est en pleine expansion. Il y a des équipes intéressantes qui évoluent dans un cadre de vie excellent. Donc, ça me plairait d'y jouer un jour. La période de transfert est ouverte là-bas, alors pourquoi pas. J'ai vécu aux USA, je connais le style de jeu pratiqué là-bas (athlétique et tactique, très proche du style anglais mais en plus fermé). Ça ne sera pas une nouveauté pour moi si je suis amené à y jouer.
Quel est votre niveau scolaire aujourd'hui ?
J'ai validé mon année scolaire aux USA, donc je suis diplômé. J'ai effectué un double major en finance et commerce international, ce qui constitue ma plus grande fierté. Mes nuits blanches à la bibliothèque, les veilles de jours d’entraînements ont payé (rires). Donc là, en France, je suis au niveau Master (BAC+5) en terme scolaire.
« Être footballeur en République Centrafricaine constitue un signe de respect »
Hormis le football et les études, comment occupiez-vous votre temps aux États-Unis ?
J'allais faire des activités sportives avec mes coéquipiers, j'allais voir des matchs de basket, football US... De temps en temps, nous allions jouer au golf, j’étais toujours dernier (rires) car je n'en avais jamais fait auparavant. Je participais à des conférences organisées par des professionnels sur des thèmes économiques ou politiques. Je voyageais à travers le pays lorsque nous avions des jours de repos. Cela m'a permis de voir des horizons différents. Par exemple, on a tous des idées ressues sur l’État du Texas avec des cowboys etc (rires). Mais c'est loin d’être le cas. Dallas, qui fait partie de cet État, est l'une des villes préférée des Américains, la température est idéale, l'environnement est gigantesque. C'est à couper le souffle. Il faut voyager pour pouvoir évoluer humainement et intellectuellement.
Comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?
Je suis actuellement en discussion avec plusieurs agents car je suis libre de tout contrat depuis peu. J'ai des recruteurs qui me supervisent lors de mes matchs à l'US Chantilly (Picardie). D'ailleurs, j'ai reçu 3 appels suite à mes premiers matches. Je me verrais bien jouer dans un club en Europe, même si je suis loin de fermer la porte à une aventure en dehors de ce continent. Il existe des opportunités dans des championnats "exotiques", donc je verrais bien où je serais. Je suis bien entouré, je travaille dur, j'ai de l'ambition, la foi en Dieu, donc je ne me fais pas de soucis. Seul l'avenir me le dira..
Quel joueur est votre modèle ?
J'en ai deux. Pour moi, Thierry Henry est le meilleur joueur français de tous les temps après Zidane, car il a tout gagné. C'est le meilleur buteur français, meilleur joueur de l'histoire d'Arsenal, l'un des seuls joueurs à avoir été meilleur buteur et passeur deux fois dans sa carrière, ce qui est très rare. Ensuite, je dirais Cristiano Ronaldo, qui est le meilleur joueur de tous les temps avec Messi. Ils font des choses que personne n'a fait dans l'histoire du football, d'un point de vue statistique. CR7 représente le travailleur acharné à l'état pur. Tous ses coéquipiers et entraîneurs l'ont dit : ils n'ont jamais vu un joueur aussi perfectionniste que lui. Seul le travail paie dans la vie.
Vous êtes originaire de République Centrafricaine. Une sélection nationale constitue-t-elle un objectif ?
En effet, jouer pour la sélection centrafricaine est un rêve pour moi, ainsi que pour mon père, qui est Centrafricain. Je suis en contact avec Willy Kongo, qui est agent et manager de la sélection. Peut-être que je serais bientôt convoqué pour jouer avec l’équipe nationale. Jouer pour ce pays serait pour moi quelque chose de grand et fort. C'est un objectif que j'ai dans un coin de la tête depuis quelques années. Plus le temps passe, plus cet objectif devient réalisable, donc j'espère en faire partie prochainement, afin de représenter fièrement mon pays, qui vit des temps difficiles actuellement. Le football est symbolique là-bas. Il permet d'apaiser les tensions. Être footballeur là-bas constitue un signe de respect pour le peuple.