Annoncé comme le messie, la personnification même d'une renaissance olympienne fiévreusement espérée, Marcelo Bielsa incarne la poigne dont l'OM a besoin pour enfin cesser d'accepter, tels des vassaux consentants, la toute-puissance du grand rival parisien.
L'argentin, accueilli comme une rock star par les supporters présents à la Commanderie hier matin, semble avoir pris la mesure des énormes attentes placées en lui du côté de la cité phocéenne. Là où, mieux qu'ailleurs, on peut passer de l'euphorie excessive à la révolte populaire, Bielsa sait qu'il n'aura pas le moindre droit à l'erreur. Désiré, convoité, espéré, l'argentin aura savamment fait languir son courtisan olympien avant d'accepter, au terme d'âpres négociations, une union ô combien périlleuse. Débarrassé de José Anigo, Bielsa a le luxe inestimable du choix de ses recrues, mais aussi le pouvoir d'évincer les indésirables, qu'il n'a d'ailleurs pas tardé à faire connaître avec fracas.
En bon communicant, Vincent Labrune a présenté à la France du football Marcelo Bielsa comme l'un des tous meilleurs techniciens au monde. En réalité, l'ancien coach de l'Athletic Bilbao et du Chili est bien loin d'un palmarès à la Carlo Ancelotti, et il reste plus reconnu pour la grinta qu'il est capable de transmettre à ses joueurs que pour son génie tactique. Fort en gueule (à Marseille, on aime ça), étranger (car sur un banc de L1, ça fait toujours bon genre), et d'une culture latine à jamais propice au mariage du football au romantisme, l'argentin dispose là de toutes les qualités pour importer à l'OM une combativité au service d'un jeu conquérant et, osons le mot, attrayant. Mais face à ce défi colossal en interne, El Loco sera surtout confronté aux mastodontes qui se dresseront devant lui dans l'Hexagone : le PSG et l'AS Monaco en tête; l'ASSE et l'OL dans une moindre mesure. Du côté des dirigeants et des supporters marseillais, une nouvelle saison vierge, ou loin du podium de L1, ne saurait être tolérée; et ceux-là même qui adulent aujourd'hui Bielsa telle la lumière guidant le peuple, seront peut-être ceux qui demanderont sa tête si les résultats ne sont pas à la hauteur de leurs espérances.
Peaufiner son effectif, prendre ses marques, imprimer son style, dépasser la barrière de la langue (qu'il devra apprendre), découvrir la Ligue 1 et s'y adapter, le nouvel entraîneur de l'OM devra d'abord réussir au mieux sa phase de démarrage avant d'être propulsé vers cette destinée olympienne que beaucoup lui promettent brillante. Dans un environnement marseillais complexe et imprévisible, l'état de grâce de Bielsa ne sera pas éternel; à l'argentin de faire en sorte que les toutes les belles intentions formulées ne soient pas un leurre.