Le samedi 31 janvier, à Bata, la CAN 2015 offrira, pour ses quarts de finale, une affiche à la saveur particulière entre la République du Congo et la République Démocratique du Congo. Plus qu'un derby, ce match sera l'occasion d'une rencontre entre deux nations à la culture et aux codes similaires, mais aux trajectoires footballistiques bien différentes. Focus.

Ils ne formaient pourtant qu'un, avant que Français et Belges ne se partagent l'Empire Kongo de jadis, pour en faire le Congo-Brazzaville et le Congo-Belge. Depuis, si les destinées des deux nations ont toujours été plus ou moins parallèles, le lien familial, bien réel, a perduré à travers les temps. Séparées de quelques kilomètres seulement par le fleuve Congo, Brazzaville (à l'Est) et Kinshasa (à l'Ouest), capitales les plus rapprochées au monde, symbolisent ce jumelage entre deux pays qui ne cessent de se regarder dans les yeux. A quelques heures du quart de finale de la CAN, l'occasion est trop belle, pour le Congo, de fermer le clapet à un imposant, mais attachant voisin, qu'on aime à détester affectueusement, malgré le regard hautain et arrogant que ce dernier s'amuse à porter avec délectation sur son "petit frère" Congolais. Ni inimitié incontrôlée, ni compte historique à régler, ni haine exacerbée cependant, la rivalité qui anime ces deux Congo, qui partagent le même essaim de dialectes, ne se limite souvent qu'à des taquineries et autres chamailleries franches et prononcées.

"C'est David contre Goliath."

Claude Le Roy sélectionneur du Congo
Claude Le Roy sélectionneur du Congo

Plus peuplée (67 millions d'habitants contre 4,5 millions), plus grande (2 345 409 km² [plus grand pays d'Afrique Subsaharienne] contre 342 000km²), plus performante sportivement et bien plus influente culturellement (et notamment musicalement) sur le continent Africain, la République Démocratique du Congo, qui compte aussi un plus grand nombre d'internationaux évoluant en Europe, a un statut à défendre, bien au-delà du seul domaine du football. "Il faut qu’on montre qu’on est le grand Congo, rappelait ainsi Youssouf Mulumbu, le capitaine de la RDC. On ne peut pas perdre contre le petit-frère. Ce n’est pas possible." Ce statut de petit-frère, les Diables Rouges du Congo l'acceptent volontiers, comme pour mieux surprendre ces Léopards qui pourraient trébucher par excès de suffisance. "Mes joueurs sont des novices, a expliqué Claude Le Roy, le sélectionneur du Congo, qui a déjà officié à la tête de la RDC par le passé. Ils ont une envie de vaincre, après avoir battu le tenant du titre (le Nigeria, ndlr), en éliminatoire, battu le Gabon puis s’imposer face au Burkina Faso vice-champion d’Afrique. On termine avec 7 points, et le bonheur veut qu’on rencontre la RDC en quarts de finale. C’est David contre Goliath. Mais on sait que quelques fois, les petits David ont posé de gros problèmes aux grands Goliath. Donc on se prépare en conséquence. Ça va être un match formidable à jouer."

Congo derby

Alors que la République Démocratique du Congo, qui a déjà remporté la CAN à deux reprises (1968, 1974) compte 17 participations à la compétition Africaine, sa voisine ne compte que 8 participations, dont une victoire finale (1972). Victorieux face au Gabon (1-0) en phase de poules de cette CAN 2015, les joueurs du Congo-Brazzaville ont mis fin à quatre décennies sans la moindre victoire en Coupe d'Afrique. A trois reprises déjà, les deux pays se sont croisés dans l'histoire de la compétition, avec un avantage de deux victoires à une en faveur de la RDC.

"Ce sera plus qu'un derby, c'est vraiment un match de famille."

Dernier sélectionneur Africain encore en lice, Florent Ibenge a à coeur de voir ses Léopards faire chuter les Diables Rouges d'un Claude Le Roy qui aura permis l'éclosion d'un certain nombre d'internationaux du grand Congo : "Je ne pense pas qu’il y a beaucoup de différence entre l’équipe des Léopards que j’ai entraînée et celle d’aujourd’hui, déclarait ainsi le technicien Français en conférence de presse. La défense congolaise, je la connais par cœur parce que c’est celle que j’avais quand j’étais en RDC jusqu’au moment où Chancel Mbemba a remplacé Joël Kimwaki. Je connais bien le potentiel de cette équipe : Kidiaba, Issama Mpeko, Kimwaki, Mongongu, Kasusula, Mulumbu- même s’il est blessé-, Makiadi, Mbemba, Bolasie, bref beaucoup d’entre eux ont démarré avec moi. Certains en 2006, d’autres en 2012 ou 2013."

De son côté, Florent Ibenge, s'il s'attend à une rencontre particulièrement difficile, a tenu à souligner l'esprit de famille qui entourait ce derby explosif : "Le Congo est un adversaire redoutable avec un entraîneur (Claude Le Roy) plus que confirmé. Ce sera plus qu'un derby, c'est vraiment un match de famille, qui sera très difficile, et on espère que ce sera plus difficile pour eux."

Florent Ibenge

Pour se hisser en demie-finale, les Congolais, de Kinshasa ou de Brazzaville, pourront compter sur le soutien et la ferveur de leurs supporters partout à travers le monde. Du côté de la RDC, une qualification offrirait un léger bol d'air à une population secouée par les récentes manifestations anti-gouvernementales réprimées dans le sang, alors que du côté du Congo-Brazzaville, on pourrait être tenté d'effectuer le court déplacement pour aller soutenir les Diables Rouges en Guinée Equatoriale voisine. Sur les réseaux sociaux, ressortissants et sympathisants des deux nations ont d'ores et déjà commencé le match, et si aucun des deux camps n'ose envisager la défaite, il y a fort à parier que ceux qui sortiront de la compétition samedi se rangeront naturellement derrière leurs frères Congolais, en espérant les voir jouer les trouble-fêtes dans cette édition 2015 de la Coupe d'Afrique des Nations.