Mercato / UEFA – Jennifer Mendelewitsch : « Le fair-play financier doit changer ses règles. »

Le mercato bat son plein. Sous un rythme allègrement soutenu par la folie dépensière des uns, il met également en exergue les dilemmes et difficultés des autres, occasionnés par l’application des règles du fair-play financier. En cette période où les agents de joueurs sont au centre du jeu, Jennifer Mendelewitsch, qui gère notamment les carrières d’Axel Ngando et de David Faupala, s’est livrée pour nous à un grand tour d’horizon de l’actualité.

 Jennifer Mendelewitsch

Foot-sur7 : Depuis quelques semaines, on voit les poids lourds du football européen dépenser à tour de bras. Le PSG, qui a pourtant les moyens d’en faire autant, est muselé par les sanctions de l’UEFA. Comprenez-vous que le fair-play financier, dans son application, puisse être perçu comme une forme d’injustice à l’encontre du club de la capitale ?
Jennifer Mendelewitsch : Le Fair Play Financier était en théorie une idée plutôt louable de l’UEFA, c’est l’usine à gaz liée à sa mise en application qui créée ce sentiment d’injustice. Le problème principal est que l’UEFA et son Président Michel Platini ont cru judicieux de ne baser le fair play financier que sur les pertes, et non sur la dette des clubs.
Les clubs auxquels vous pensez, notamment les clubs de LIGA, sont extrêmement endettés depuis de nombreuses années, mais n’affichent que très peu de pertes sur la durée prise en compte par l’UEFA, ils peuvent donc réaliser (encore cette saison), les transferts qu’ils veulent.
Concernant le PSG, Nasser El Khelaifi a fait une déclaration publique assez récemment indiquant que le fair play financier n’empêcherait pas le PSG de réaliser le mercato qu’il souhaite. Et c’est la parfaite illustration du problème tant que l’UEFA sanctionnera les clubs qui ne respectent pas le FPF par des amendes ou des sanctions peu importantes, sans oser pousser sa logique jusqu’au bout consistant à les toucher là où ça leur ferait vraiment mal, c’est-à-dire les exclure de la Champions League, cette mascarade de gendarme financier ne servira à rien du tout et créera un déséquilibre insupportable entre les clubs.

Foot-sur7 : Dans ce contexte, est-il envisageable de voir les clubs surendettés de Liga être inquiétés un jour, ou bénéficient-ils d’une sorte d’immunité compte tenu de leur prestige ?

Jennifer Mendelewitsch : Le Fair Play Financier doit changer ses règles, prendre en compte la dette, avoir des sanctions claires et abandonner le principe des sanctions négociées, tant que cela ne sera pas le cas, il sera injuste et inapplicable.
D’autre part l’UEFA risque de se heurter à une fronde des clubs sanctionnés, qui pourraient, en théorie, renoncer à participer à la Champions League et monter une Coupe d’Europe « privée » qui leur permettrait de gérer leurs transferts et leurs comptes comme il leur semble. Et c’est l’UEFA qui se retrouverait en difficulté avec une C1 sans les plus grands clubs européens, et donc bien difficile à vendre…

« Jorge Mendes a su très intelligemment gérer son réseau et étendre son influence au sein des clubs. »

Foot-sur7 : Très proche de l’AS Monaco, Jorge Mendes est souvent décrit comme l’agent le plus puissant de la planète foot. Quels sont à vos yeux les ingrédients pour atteindre un tel degré d’influence dans le monde du football ?

Jennifer Mendelewitsch : Jorge Mendes a su très intelligemment gérer son réseau et étendre son influence au sein des clubs, mais son principal savoir-faire a été de savoir éviter les « casseroles » comme cela a pu être le cas pour ses concurrents les plus directs comme Willy McKay en Angleterre par exemple.
Jorge Mendes bénéficie également d’un avantage considérable sur les autres car il travaille principalement avec des joueurs portugais ou sud-américains, pays où le recours au TPO (Third Party Ownership) est autorisé. Ainsi, les droits économiques de ses joueurs sont possédés par des fonds d’investissement, fonds dans lesquels Jorge Mendes est actionnaire. Pour faire simple, Jorge Mendes n’est pas seulement l’agent du joueur, il possède une partie de ses droits économiques.

« Cabaye est le choix de Blanc, pas le choix de Nasser El Khelaïfi (…) Même Blanc n’en a pas fait un titulaire indiscutable. »

Foot-sur7 : En janvier dernier, lors du recrutement de Yohan Cabaye par le PSG, vous n’avez pas caché votre scepticisme. Vous aviez confié qu’en tant qu’agent de joueurs, vous lui auriez déconseillé de rejoindre la capitale. Que vous ont inspiré ses 6 premiers mois à Paris, et pensez vous qu’il puisse réellement s’y imposer ?

Jennifer Mendelewitsch : Je pense que les faits m’ont donné raison, il n’a pas fait une grande demi-saison avec le PSG. C’est surement une très belle opération financière pour lui, mais Cabaye est le choix de Blanc, pas le choix de Nasser El Khelaïfi. Et malheureusement, la stratégie du PSG et le type de joueurs qu’il vise, c’est un autre niveau que celui de Cabaye.
Même Blanc n’en a pas fait un titulaire indiscutable, il a débuté les matchs contre Evian Thonon, Valenciennes ou Reims, par contre en C1, il n’a été titulaire que contre Leverkusen, donc, oui pour moi c’est indiscutablement un mauvais choix pour le joueur. Quitter Newcastle, c’était pour jouer la Champions League, pas Evian Thonon…

« Ce sont les mensonges éhontés du Président Martel qui me choquent le plus. Prendre les supporters pour des cons à ce point, c’est du jamais vu ! » 

Foot-sur7 : Quel est votre regard sur la situation du RC Lens, un club que vous connaissez bien, dont la montée en L1 a été annulée par la DNCG ? A vos yeux, la crise qui touche le club était-elle inéluctable ?
Jennifer Mendelewitsch : Au-delà des problèmes économiques liés à la situation du Baghlan Group (le groupe d’Hafiz Mammadov) une dette de 150 millions de dollars dont il n’arrive même pas à rembourser les intérêts, une banque dont ses fils sont actionnaires, ce qui laisse présager du sérieux de la caution qu’elle donne etc,… ce sont les mensonges éhontés du Président Martel qui me choquent le plus. Prendre les supporters pour des cons à ce point, c’est du jamais vu ! Tout y est passé, le jour férié en Azerbaïdjan, le numéro IBAN erroné, et j’en passe…Combien de temps Gervais Martel compte-t-il tenir ainsi ? Si la direction du club n’est pas capable de restaurer la confiance de son entraîneur, comment serait-elle capable de convaincre la DNCG à partir d’éléments financiers manifestement défavorables ?

 

– Propos recueillis par Hakim Maludi