Itw exclusive -Alain Cayzac : « Mourinho se serait senti à l’étroit au PSG »

Alain CAYZAC

Dirigeant historique du PSG, Alain Cayzac a été président du club de la capitale de juin 2006 à avril 2008. Pour Foot sur 7, il évoque l’actualité des Rouge et Bleu et revient sur son histoire d’amour avec l’équipe francilienne.

Foot sur 7 – Le PSG version 2013-2014 possède-t-il la meilleure équipe depuis sa création ?

Alain Cayzac – On peut dire que oui. Du moins, il possède les meilleures individualités. Après, c’est compliqué de comparer les époques, c’est même tout à fait impossible. Nous avons eu de très belles équipes à l’époque où Michel Denisot était président. Mais nous n’avons jamais eu une telle constellation de stars qu’aujourd’hui. Il faut maintenant que toutes ces vedettes parviennent à jouer ensemble. Mais je suis confiant : on va y arriver !

Il est souvent reproché au PSG de ne pas recruter assez « français ». Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Il s’agit d’un débat totalement obsolète. Un club est là pour recruter efficacement sur un marché qui est mondial. Le PSG n’a pas pour vocation d’être le mécène du football français. La mission est de recruter les meilleurs joueurs. S’ils sont Français tant mieux, sinon tant pis. Il n’y a aucune obligation d’acheter des joueurs français. En plus, Lucas Digne a été recruté cet été.

Laurent Blanc est-il l’homme de la situation ?

Je l’espère. Il possède les qualités pour devenir un grand entraîneur du PSG. Ce n’est pas parce qu’il n’a pas entraîné de grands clubs qu’il n’est pas légitime. Il a évolué dans de très bonnes équipes et sa conception du foot est intéressante, puisqu’il essaie de bien faire jouer ses hommes. Quand j’ai pris Paul Le Guen en janvier 2007, tout le monde m’a applaudi. Pourtant, nous avons eu du mal à avoir de bons résultats…

Blanc peut-il s’inscrire dans la durée à Paris ou est-il voué à avoir un destin comme Antoine Kombouaré ?

Je ne pense pas que son destin sera celui de Kombouaré. Pour le lancement du « nouveau » PSG, les Qataris avaient besoin d’un coach possédant une aura internationale, avec des circuits internationaux, en liaison avec Leonardo. C’est pour cela qu’ils ont recruté Carlo Ancelotti. Maintenant, le club est lancé. Il n’y a pas de comparaison avec Kombouaré à faire, étant donné que nous ne sommes plus dans la même phase de développement du club. Il faut simplement quelqu’un qui fasse bien jouer l’équipe.

« Nasser Al-Khelaïfi se montre respectueux envers les anciens »

Avez-vous un « chouchou » au sein de l’équipe actuelle ?

J’en avais un, mais il vient de partir : c’était Sakho. Je lui ai fait signer son premier contrat professionnel. Forcément, ça crée des liens. Après, Chantôme était un jeune de mon époque, même si ce n’est pas moi qui l’ai fait signer pro. Dans l’effectif actuel, Thiago silva correspond à la définition du très grand footballeur : il allie l’efficacité et l’élégance. Ça fait partie de la race des très grands. Mes chouchous ont toujours été des numéros 10. Le mien, c’était Safet Sušić.

Que pensez-vous de l’ambiance actuelle qui règne au Parc des Princes ?

Une ambiance idéale doit allier sécurité et ferveur. Il fallait prendre des mesures, on ne pouvait évidemment pas accepter qu’il y ait des morts. Je souhaiterais que la ferveur revienne, avec les tifos, les chants et que le public supporte l’équipe lorsqu’elle ne joue pas bien. Je suis toujours malheureux quand j’entends des sifflets. Il faut qu’on se remette à chanter !

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Entretenez-vous des contacts avec les dirigeants actuels ?

Oui et de très bons contacts. Avec Jean-Claude Blanc, je suis aujourd’hui vice-président de la Fondation PSG, qui a pour président Nasser Al-Khelaïfi. Je suis donc amené à travailler avec les dirigeants actuels. Je suis également président du centre de formation des apprentis. J’apprécie beaucoup Nasser, qui a toujours été élégant avec moi. C’est un très bon président, il s’exprime bien, ne commet pas de fautes de communication et se montre respectueux des anciens. J’appréciais aussi Leonardo, mais il n’est plus là. Je porte un jugement positif sur le management du club. Les dirigeants ne se préoccupent pas seulement du court terme. Ils soutiennent des causes qui me tiennent à cœur, comme les féminines et le Paris Foot Gay dont je suis président d’honneur. Être resté au Parc des Princes, je le mets à leur crédit. Ça peut paraître conservateur, mais ce stade est l’ADN du club.

Avec le PSG, vous avez quasiment tout connu. Les titres et les portes de la relégation en Ligue 2. Quel est le meilleur souvenir que vous conservez ?

Pour éviter les banalités, je vais dire la victoire à Sochaux, le 17 mai 2008, qui nous permet de maintenir Paris en Ligue 1. C’était un énorme soulagement, même si je n’étais plus président à ce moment. Si on était descendu, j’aurais porté ça comme un fardeau. Au coup de sifflet final de cette rencontre, je me suis mis à revivre.

« J’ai cru que la terre allait s’effondrer après notre défaite face à Nice »

A l’inverse, le pire souvenir ?

C’est la même année, le 14 avril, lorsque nous avons perdu au Parc des Princes contre Nice (3-2). Nous menions 2-1 alors qu’il restait moins de dix minutes de jeu. Puis Koné et Ederson ont marqué. J’ai cru que la terre allait s’effondrer ce soir-là. Les souffrances physiques ressenties dans des moments comme ça sont comparables à recevoir un uppercut.

Revenons un peu sur votre démission de la présidence du club en avril 2008.

Les actionnaires de l’époque, Colony Capital, ont décidé de faire entrer Michel Moulin dans l’organigramme sans me consulter. Ils me l’ont imposé. Quand on est président et que l’actionnaire agit de la sorte, cela veut dire qu’il n’a plus confiance en vous. J’ai démissionné dans la minute. Je n’en veux pas à l’actionnaire, qui a joué son rôle. Si j’avais poursuivi l’aventure, j’aurais été une marionnette, une sorte de président d’opérette. Comme j’étais bénévole, il n’y a pas eu d’histoires d’argent.

Dans votre livre, « Passion impossible », vous avez résumé la période de votre présidence par : « 5% de plaisir, 95 % d’emmerdes ». Regrettez-vous parfois d’avoir occupé ce poste ?

Sûrement pas, je n’ai pas le moindre regret. C’était une période exaltante à vivre, même si cela a été horriblement dur. Nous avons fait des erreurs, les résultats n’ont pas souvent été bons et une personne est morte pendant la période où j’ai été président (le 23 novembre 2006, un policier a tué un supporter parisien en marge du match de Ligue Europa entre le PSG et l’Hapoël Tel-Aviv, Ndlr). Je pense tout de même avoir été courageux et j’ai vécu de grands plaisirs. Nous étions efficaces à l’extérieur mais trop souvent paralysés au Parc des Princes.

Peu après votre démission, vous aviez songé à faire venir José Mourinho pour occuper le poste d’entraîneur. A l’époque, le Portugais aurait-il vraiment pu rejoindre le PSG ?

Sébastien Bazin cherchait une solution. Au départ, j’avais pensé à un ticket Gérard Houllier – Jean Todt. Les médias ont évoqué un binôme Mourinho – Jean Todt mais cela n’a jamais été d’actualité. Par la suite, j’ai été contacté par un ami de Mourinho. Le Portugais était libre à l’époque, ce n’était pas des élucubrations.

Pour quelles raisons son arrivée n’a pas pu se réaliser ?

Je n’étais plus président, je n’avais donc plus les mains libres. J’ai le sentiment qu’il aurait eu du mal à faire avec le budget dont disposait le PSG de l’époque. Sous ma présidence, le plus gros transfert effectué est celui de Zoumana Camara, qui a été acheté six millions d’euros à Saint-Étienne en 2007. Mourinho se serait senti à l’étroit.

Refaisons l’histoire. Que ce serait-il passé si le PSG était descendu en Ligue 2 à l’issue de la saison 2007-2008 ?

Je ne veux même pas y penser. C’est trop horrible. Je savais qu’on parviendrait à se sauver, ce n’est pas de la superstition. Paris s’en est toujours sorti. Je n’ai jamais imaginé une seconde que le club puisse descendre. Si cela avait été le cas, les Qataris ne l’auraient probablement pas repris.

Comment occupez-vous votre temps depuis votre démission ?

Je fais beaucoup de choses. Je suis aujourd’hui « senior advisor » de la banque d’affaires Goetzpartners, qui s’occupe de fusions et d’acquisitions. Je donne également de nombreuses conférences, dans des écoles et des entreprises. J’écris aussi des livres. J’ai quelques missions au PSG, suis président d’honneur d’Évreux (DHR) et du Paris Foot Gay. En matière caritative, j »ai repris la Fondation Michel Platini, qui lutte contre la toxicomanie. Et puis je m’occupe de mes quatre enfants… Je suis content d’avoir gardé un pied au PSG. Je me lève tous les jours à 7h du matin. Je déteste l’idée de retraite : il me faut de l’adrénaline !

Interview réalisée par Arnaud LAPOINTE

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